MARQUIS DE SADE à La Sirène, La Rochelle
Dimanche 28 octobre 2018

Article par OLIVIER CARLE. Photos Philippe Archambeau.

Je n'avais pas revu Marquis de Sade depuis 1980... La dernière fois c'était à la Fête des Castors (ça ne s'invente pas!) au Parc Heller d'Antony en banlieue parisienne et j'avais alors été bluffé par le côté très avant-gardiste du rock des Rennais. C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai appris leur retour en 2017 et je me devais d'aller à La Sirène de La Rochelle pour les revoir enfin 38 ans plus tard !

Ce concert événement était l'apogée d'un mini-festival intitulé judicieusement « Rennes Calling » avec la présence de Daniel Paboeuf Unity et Initials Bouviers Bernois. C'est au bar de la Sirène qu'on retrouve ces derniers vers 18h00 pour un set très rétro et fort sympathique à l'heure de l'apéro... Le quartet rennais charme le public présent avec son jazz à base d'orgue 60's, de guitare et d'instruments à vent qui servent d'écrin à la voix suave et enjôleuse du dandy Peter Mustard. Le groupe existe depuis 2 ans et a sorti récemment un très joli album intitulé « S/T » très lounge, souvent exotique et délicatement suranné. Bref une très jolie découverte même si assez éloignée du style de Marquis de Sade.

On ne sera pas surpris par contre de retrouver Daniel Paboeuf, autre célèbre Rennais, qui a joué avec MdS dès leurs débuts... Il a ainsi participé activement aux 2 légendaires et uniques albums studio « Dantzig Twist » et « Rue De Siam » ! Pour cette formation récente et intitulée Unity, Daniel, toujours fidèle à ses saxophones, s'est entouré de Mistress Bomb H à la voix et à la programmation, David Euverte aux claviers et Nicolas Courret à la batterie. Le quartet propose un électro-rock très 80's assez proche du style habituel du Paboeuf qu'on aime, entre Kas Product et Orchestre Rouge ou Ubik pour faire simple même si la musique, elle, ne l'est pas toujours... En tous cas elle est souvent dansante et hypnotique et les fans de Marquis de Sade écoutent religieusement les incantations de Daniel et son saxo lancinant. La setlist revisite les excellents « Mad », « Et Encore », « Mothers And Sisters », « Fear », « N'oublie Pas » et « Golden Years » de l'album du même nom de 2018 ainsi que « Who Killed Captain Hook », « An Atomic Ice-cream » et « Lagos » du précédent et non moins superbe « Ce Qu'il En Reste » de 2015 sans oublier le très efficace “Pendre La Poésie” de l'album “Spiralis” de 2010. Au final des retrouvailles fort sympathiques avec Mr Paboeuf qui fut quand même à l'origine de projets aussi passionnants qu'éclectiques comme ce DPU ou encore les Sax Pustuls, Anches Doo Too Cool ou Ubik... Respect !

On en arrive aux héros de la soirée, les mythiques Marquis de Sade pour leur retour tant attendu ! On retrouve le fabuleux Philippe Pascal au chant dont le visage accuse un peu le poids des années mais cela n'entame en rien son charme et son charisme. Aux guitares rythmiques il y a toujours le talentueux Frank Darcel visiblement très heureux d'avoir repris la route avec le groupe qu'il a cofondé... Les autres parties de guitare notamment les soli sont assurées par un “petit nouveau” qui a travaillé avec “la terre entière” (Ubik, Daho, Bashung, Indochine, Higelin, Françoise Hardy, Lio, Thiéfaine...) : Xavier Géronimi qui remplace Frédéric Renaud décédé en 2013. La section rythmique est toujours la même et de qualité à savoir Thierry Alexandre à la basse et Eric Morinière à la batterie. Daniel Paboeuf rejoindra le groupe sur scène au bout de quelques morceaux, idem pour le clavier Paul Dechaume. Magnifique scénographie avec des éclairages somptueux et pendant le concert des projections d'images d'archives ou en rapport avec le morceau concerné sur un grand écran derrière le groupe. Une set-liste royale et un public aux anges... On attaque avec le “Set In Motion Memories” qui ouvrait “Dantzig Twist” et qui crée une ambiance d'emblée très cold wave à la Joy Division. On suit le fil du premier album avec le très rock “Henry” qui rappelle les grandes heures des Rennais... “Who Said Why ?” rappelle The Cure et on se replonge dans l'ambiance « new wave » de la fin des 70's. On passe ensuite à l'album “Rue De Siam” avec le sublime et dansant “Final Fog (Brouillard Définitif)”. Philippe Pascal ne bouge plus de façon robotique comme à l'époque mais il a toujours la grande classe qui le caractérise... On calme un peu le jeu avec le langoureux “Boys-Boys”, superbe moment ! “Smiles” rappelle le funk blanc des Talking Heads et l'atmosphère d'Octobre, le groupe qu'avait fondé Frank après la dissolution de MdS. Sur “Airtight Cell”, le sax de Daniel fait des merveilles et tout le groupe est en parfaite osmose. Un peu de poésie de nouveau avec le magnifique “Rue De Siam” de l'album du même nom qui nous fait voyager dans le temps et l'espace. Poussée de fièvre avec “Nacht Und Nebel” mené tambour battant, les guitares de Frank et Xavier s'enflamment jusqu'au paroxysme. “Silent World” est de nouveau une petite parenthèse de douceur qui rappelle la trilogie berlinoise de Bowie. Retour au funk blanc avec l'entraînant “Cancer & Drugs” qui pousse les premiers rangs à se déhancher et qui rappelle le Orchestre Rouge de Théo Hakola... On reste dans cette atmosphère avec le grandiose “Skin Disease” et son chorus « new wave » entêtant, encore un grand moment qui nous rappelle combien l'album “Dantzig Twist” était novateur à l'époque ! C'est maintenant l'heure de la première reprise du Velvet Underground “Ocean”, une pure merveille interprétée avec beaucoup de feeling et de respect par Philippe et ses comparses... Daho n'est pas là pour joindre sa voix comme à La Villette en mai mais cet hommage au groupe de Lou Reed est tout bonnement sublime, inoubliable et beau à pleurer ! Et que dire de ce “Wanda's Loving Boy” et son riff lancinant qui viennent maintenant nous caresser les esgourdes... Le groupe quitte ensuite provisoirement la scène pour revenir encore plus motivé avec un “Walls” fabuleux d'intensité et de violence contenue. La légendaire intro en allemand par Frank et voilà le titre tant attendu des fans de la première heure : “Conrad Veidt”. Ce “tube” du divin Marquis fait selon moi partie du patrimoine du rock français toutes époques confondues et on aura droit à La Sirène à une version exceptionnelle. Pour le second rappel retour au Velvet avec le célèbre “White Light White Heat” avant un retour à “Henry” pour une version bien déjantée...

Après ce concert intense on retrouve les musiciens au merch'... Frank se remémore ce festival à Antony en 1980 où un label américain avait failli les signer, on parle de Tina et Chris du Tom Tom Club, de Octobre, de l'avenir de Marquis de Sade, des relations apaisées au sein du groupe, d'Orchestre Rouge, de Kas Product etc. avant de repartir dans la nuit froide et pluvieuse de ce mois d'octobre à La Rochelle !

Merci à Frank Darcel et à La Sirène

Olivier Carle.


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